De
tout temps, les auteurs dramatiques se sont inspirés de personnalités connues du
passé pour créer leurs œuvres. Edmond Rostand a pour sa part visé dans le mille en choisissant la vie de Savinien Cyrano
de Bergerac comme modèle de sa pièce éponyme. En effet, Cyrano a réellement existé. Né à Paris en 1619, il a été cadet dans la compagnie des gardes de Carbon de Castel-Jaloux, sans être réellement de Gascogne à l’origine.
Il est décédé à 36 ans, en 1655, dans des circonstances douteuses : on ignore s’il
sagit d’un accident ou d’un assassinat. Plus philosophe que poète, le vrai Savinien a de son vivant signé une comédie Le pédant joué et une tragédie La mort d’ Agripine ainsi que deux utopies, les récits de voyages imaginaires Histoire comique des États et Empires de la Lune et Histoire comiques des États et Empire du Soleil. D’ailleurs,
Rostand remanie des extraits du premier voyage dans sa pièce :
Savinien
de Cyrano de Bergerac : (Voyage dans la lune)
« Ensuite de ces préparations, je fis construire une machine fort légère, dans laquelle
j’entrai…et lorsque je fus bien fermé et bien appuyé sur le siège, je jetai fort haut cette boule d’aimant… »
Edmond
Rostand : (Cyrano de Bergerac, acte III, scène XIII)
« …enfin me plaçant sur un morceau de fer,
Prendre un morceau d’aimant et le lancer en l’air,
Car, c’est un bon moyen, le fer se précipite
Aussitôt que l’aimant s’envole, à sa poursuite… »
Il
est vrai aussi, comme le relate le personnage de Le Bret (qui a lui aussi réellement existé et été ami d’enfance de
Cyrano) que Molière lui-même a plagié un passage d’Agrippine , le fameux « Mais que donc allait-il faire dans cette galère? » pour la pièce Les
Fourberies de Scapin(1671).
La
grande question qui brûle les lèvres : est-ce que le vrai Savinien Cyrano de Bergerac avait un grand nez? Eh bien, si
on en croit Théophile Gautier dans Les Grotesques (1844), le recueil que Rostand
étudie au Collège, : « Ce nez invraisemblable
se prélasse dans une figure de trois-quarts dont il couvre la moitié du visage ». Oui, donc, et l’authentique
Cyrano lui-même écrit qu’
« un long nez est le signe d’un homme spirituel, courtois, affable, généreux,
libéral » dans Histoire comique
des États et Empires de la Lune. Sans être monstrueux, on peut voir sur les gravures un appendice nasal important, bien que l’exagérée « défiguration » de
Cyrano appartienne à la créativité de Rostand.
Deuxième
interrogation du public : Roxanne a-t-elle vraiment existé? Dans les faits, Cyrano avait une cousine qui se nommait Madeleine
Robineau (1610-1657) et qui a pris soin de lui dans les dernières années de sa vie.
Le personnage serait né d’une combinaison entre cette dernière et une autre femme, Marie Robineau, une
« précieuse » qui a vécu à la même époque, et qui se laissait surnommer Roxanne. Cyrano l’aimait-il? Cette
supposition est loin d’être fondée. Les rumeurs laissent entendre que le vrai Cyrano, qui ne s’est jamais marié,
était sans doute gay…
Or,
le cadet, s’il n’était pas friand des dames, avait une réelle passion pour l’épée. L’épisode du combat
de la porte de Nesle est basé sur un incident vérifiable. À lui seul, le fougueux philosophe a effrayé des dizaines de spadassins
postés là pour attaquer son ami Lignière. Il a aussi été de la bataille du siège d’Arras en 1640, où il a reçu un coup
d’épée à la gorge. C’est aussi pendant cette guerre que le Baron de Neuvillette, époux de sa cousine Madeleine,
a péri.
Bref,
Edmond Rostand s’est inspiré d’un être déjà haut en couleurs qui a vécu au 17e siècle, époque particulièrement
qu’. Du cadet philosophe et batailleur, il en a fait un héros romantique idéaliste, impertinent, brave et singulier.
À son caractère étincelant, il a juxtaposé sa propre crainte de pas être à la
hauteur pour en faire un être touchant et mélancolique. Encore aujourd’hui,
l’histoire de Cyrano réveille chez les spectateurs des envies de gloire et la nostalgie des amours déçus. D'autres
informations à ce sujet: bullesprodth.ibelgique.com/des_cyrano.htm.